Nouvelles fantastiques
Dans le cadre de l’objet d’étude portant sur le roman et le récit du XVIIIème au XXIème siècle, les élèves de 212 ont lu La Métamorphose de Franz Kafka ou Le Horla de Guy de Maupassant. Afin de s’approprier les caractéristiques de la nouvelle fantastique, les élèves ont à leur tour écrit une histoire mobilisant les procédés du registre fantastique. A tour de rôle, chacun a lu sa nouvelle. Après avoir co-évalué chaque récit, les élèves ont voté pour l’histoire qui les a le plus séduits et captivés. C’est la nouvelle fantastique de Louane que nous partageons avec vous. Bonne lecture !
Céline Balannec, professeur de Lettres Modernes
Dimanche 15 janvier. —
Je me dirigeais vers ma voiture, emmitouflée dans mon bonnet et mon manteau, à cause du froid pesant sur ma ville à l’aurore. La rue était plongée dans l’obscurité, malgré la faible lumière émise par le seul lampadaire de mon quartier, au loin je pouvais observer un train passer sur la vieille voie ferrée de Rouen. Cette partie de la ville, était composée de plusieurs habitations toutes aussi anciennes les unes que les autres, mais également plusieurs commerces et d’un seul chemin de fer qui faisait un bruit assourdissant. Chaque maison était de bois ou de briques couleur cuivre et de chaque rue pavée et étroite ressortait un effet de labyrinthe. Ce jour-là, comme chaque dimanche matin à trois heures pour éviter les nombreux embouteillages, je partais pour retrouver mes parents dans leur ancienne maison dans la campagne de Limoges, non loin d’une petite forêt. C’est pourquoi le moyen le plus simple d’y aller était en automobile. Mes pas étaient lourds et compliqués étant donné l’épaisse couche de neige recouvrant l’allée de ma maison et mon jardin puis je tentai d’ouvrir la portière de ma voiture mais sans succès : “Mince… elle doit être bloquée…”. A cause de toute la poudreuse tombée cette nuit, je décidai de ne pas me rendre chez mes parents, cela serait trop dangereux. Alors, je me retournai pour rentrer chez moi mais ma porte d’entrée resta fermée également. J’étais sans issue, bloquée dehors dans un froid polaire. Le vent souffla fort très fort, je ressentis un frisson et me demandai : “Que vais-je faire maintenant, il doit bien y avoir un moyen d’ouvrir cette porte ?” Ma maison se situait côté est de la ville de Rouen près de l’hôpital Charles-Nicolle où je travaillais souvent en tant que chirurgienne cardiaque. Mon métier me permet d’être épanouie quoique attristée lorsqu’une opération échouait à l’exemple de la veille, un de mes patients musicien était décédé de battements qui ne reprenaient plus. J’observais attentivement les alentours afin de trouver une solution. Cependant, seul le bruit des oiseaux et le vent s’engouffrant dans les branches d’arbres se distinguait de cette étroite et grande ruelle, où le silence était roi à l’aube. A quelques mètres de moi, deux yeux m’observaient, il s’agissait très certainement du chat de ma voisine, ce dernier venait très souvent se promener dans mon jardin. Autour de ma maison se trouvaient de nombreuses fleurs et arbustes ornant de couleurs et de gaieté un quartier monotone et chagriné. J’entendis un piano jouer mais à cette heure-là qui cela pouvait-il bien être car il était trois heures six du matin et toutes les maisons dormaient ? Il s’arrêta un instant avant de reprendre son aubade. L’obscurité était pesante mais surtout oppressante jusqu’à ce qu’une voiture passât et ainsi interrompit la mélodie du musicien. Je continuai d’examiner les environs et posai mon regard sur la fenêtre de ma maison donnant sur la cuisine. Je marchai, trottinai puis courus et de toutes mes forces poussai sur le battant de l’ouverture afin de m’y introduire. L’endroit était sombre, morose et seuls quelques meubles décoraient la pièce : deux chaises de part et d’autre d’une table située au fond de la cuisine, une cuisinière fonctionnelle, quelques cadres accrochés au mur et un vase rempli d’azalées cueillies la veille néanmoins déjà mourantes. “Les fleurs… Mais comment ont-elles pu faner en une soirée… C’est impossible, je leur avais mis de l’eau”. Je voulus quitter la pièce mais une force m’attira près de la table et ce que je vis me fit trembler ; il ne restait plus qu’une seule fleur. Qu’étaient devenues les autres ? N’avais-je cueilli qu’une unique azalée ? Non… Je devais juste être fatiguée. Pour calmer une migraine menaçante, je bus un verre d’eau avant de décider d’aller dormir un peu. Je me levai, marchai, montai les escaliers et me dirigeai vers ma chambre. Ma chambre, composée seulement d’une armoire en bois de chêne, une bibliothèque et un lit, était plongée dans le silence et offrait une vue admirable sur la Seine depuis la petite fenêtre ronde. Les nombreux livres anciens présents dans la bibliothèque commençaient à prendre la poussière : certains contenaient des histoires toutes aussi extravagantes qu’imaginaires et d’autres contenaient des réflexions philosophiques. Quant à l’armoire, celle-ci débordait de vieilleries et linges en tout genre laissés à l’abandon et jaunis par le temps. J’avançai vers mon lit, m’allongeai dans sa longueur et me laissai emporter par les bras de Morphée.
Les lueurs du crépuscule avaient envahi la pièce lorsque j’ouvris les paupières et décidai de faire une promenade le long du fleuve dans la fraîcheur de ce dimanche soir d’hiver. J’entendis de nouveau le piano jouer sa musique, la même mélodie que jouait le musicien décédé la veille. Après avoir fermé ma porte d’entrée à clé, je me retournai… et… des pas… je… je vis… je vis des pas dans la neige. Mais ce n’étaient pas les miens… Ce pouvait-il que ce soit … Non ! Impossible ou peut-être que si… Mais non, ce n’était quand même pas lui. Je fus paralysée de terreur, mon patient d’hier ! À moins qu’il ne s’agît d’un être au combien puissant, capable de capacités que nous, simples humains, ne sommes pas en mesure d’égaler. L’incarnation du Mal en personne qui affronte le Bien. Un être invisible qui affronte un être visible, vulnérable. Cet être approchait et chaque pas s’accompagnait d’un frisson de terreur traversant mon échine. Une odeur nauséabonde s’en dégageait. Sombrais-je dans la folie ? Qui était cette entité ? Que me voulait-elle ? Je me sentais devenir aussi pâle qu’un cadavre car cette peur était bien présente. Cette peur s’approchait de moi petit à petit. Cette peur avait pris possession de mon corps et me paralysait. Je n’avais aucune possibilité de bouger ne serait-ce que détourner les yeux. Et puis… les pas disparurent, se volatilisèrent et cette angoisse s’envola avec eux. Mais… que venait-il de se passer ?
Louane VILLAUME, 212